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Face à la pénurie de masques, un industriel réquisitionné pour répondre à la demande

Philippe Boyé, directeur général, et Jacques Boyé, président de Paul Boyé Technologies (de gauche à droite). (©Rémi Benoit)

Paul Boyé Technologies figure parmi les industriels concernés par la commande de 200 millions de masques. Située près de Toulouse, l'entreprise a été réquisitionnée par l'État.

Le gouvernement a reconnu des « difficultés logistiques » dans la fourniture de masques, alloués « en priorité aux soignants ». (©Illustration / Adobe Stock)

Il s’agit d’une course contre la montre. Face à l’urgence sanitaire, l’Etat a décidé le 3 mars 2020 la réquisition de plusieurs entreprises, dont Paul Boyé Technologies, dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19.

Située à Labarthe-sur-Lèze (Haute-Garonne), près de Toulouse, Paul Boyé Technologies avait remis en fonctionnement, au début d’année, ses quatre lignes de production de masques FFP2. Ces dernières avaient été construites pour répondre aux besoins de masques lors de la grippe aviaire (H5N1) de 2006 et doublées en 2009 suite à la grippe porcine (H1N1).

L’entreprise a été réquisitionnée

Pour protéger les professionnels de santé, le gouvernement a passé une commande de 200 millions de masques. L’entreprise dirigée par Jacques Boyé figure parmi les quatre industriels concernés par cette gigantesque commande. À ce jour, Paul Boyé Technologies produit 500 000 masques par semaine. Ils sont livrés uniquement au personnel de santé. D’ici la fin du mois, 1 million de masques devrait sortir des usines et 1,5 millions d’ici 3 à 4 semaines. Contacté par Actu Toulouse, Jacques Boyé, président de Paul Boyé Technologies, détaille la situation et les enjeux, dans un contexte de risque de pandémie mondiale.

Actu Toulouse. L’entreprise Paul Boyé Technologies a été réquisitionnée par l’État français le 3 mars 2020 dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19. Face à l’urgence de la situation, êtes-vous en mesure de répondre à la commande du gouvernement ?

Jacques Boyé : « Nous produisons des centaines de milliers de masques par semaine. La production continue de monter en puissance. Nous sommes confiants, nous tenons le rythme. Nous allons pouvoir livrer des millions de masques. Je tiens à rendre hommage à mes salariés, pour leur engagement, pour leur dévouement. Ils travaillent, jour et nuit, sur le site de Labarthe-sur-Lèze, près de Toulouse. La production monte évidemment en cadence tous les jours. Et nous ne sommes pas seuls, il y a d’autres fabricants en France. Nous allons pouvoir assurer les besoins de l’État ».

Actu Toulouse. Quels types de masque filtrant produisez-vous ?

Jacques Boyé : « Paul Boyé Technologies fabrique le masque FFP2, celui demandé par le personnel soignant. Il leur est réservé, car il est indispensable. Ce masque les protège, mais il protège aussi les patients ».

« La production a été relancée »

Le masque filtrant (de type FFP2) est destiné à protéger le porteur contre les risques d’inhalation d’agents infectieux transmissibles par voie aérienne. (©Paul Boyé Technologies)

Actu Toulouse. Pourquoi la France a-t-elle pris du retard dans la production ?

Jacques Boyé : « Il s’agit du retour à grande échelle d’une production qui s’était arrêtée après les crises de la grippe aviaire et de la grippe A (H1N1). Nous avons relancé la production. Je suis un industriel, pas un distributeur. Paul Boyé Technologies n’a pas vocation à stocker, l’entreprise fournissait des masques quand il y avait des commandes ».

Actu Toulouse. Avez-vous attendu la réquisition par l’État pour relancer la production ?

Jacques Boyé : « Nous avions déjà relancé la production depuis le mois de février. Nous n’avons pas attendu la réquisition. Nous avions même ouvert un site pour vendre des masques en ligne pour des pharmacies, pour des médecins, pour des hôpitaux qui passaient déjà des commandes depuis le mois de février. Mais nous n’étions pas à la même échelle. Quand la France a vu l’ampleur que prenait l’épidémie en Asie, le gouvernement a alors réagi en lançant un programme national compte tenu des stocks qui étaient faibles. Tout le monde a été pris de court. J’ai eu des demandes colossales d’Italie, de Chine… Les Chinois voulaient acheter des millions et des millions de masques. Ils étaient prêts à payer à des prix phénoménaux. Quand une marchandise est en pénurie, les cours montent à une vitesse phénoménale ».

« Les matières premières sont prises d’assaut »

Actu Toulouse. Ne risquez-vous pas de connaître des problèmes d’approvisionnement en matières premières ?

Jacques Boyé : « Nous avions pris les devants ! Si Paul Boyé Technologies n’avait pas acheté les matières premières il y a deux mois, notre usine ne pourrait pas tourner aujourd’hui. Les matières premières ont été prises d’assaut. La difficulté, c’est d’avoir ces matières premières. Le monde entier recherche des masques. Ce n’est pas le problème de l’Europe, c’est le problème du monde. Les Américains commencent aussi à mettre en place des plans d’équipement qu’ils ne faisaient pas avant. Ils bloquent les productions de masques, ils bloquent les matières premières… De son côté, la Chine – qui est un très gros producteur de matières et de masques – a encore besoin de reconstituer ses stocks. Elle sert bien évidement d’abord les besoins de la Chine avant de servir l’exportation. Ce qui est logique ».

Actu Toulouse. Pouvez-vous encore monter la cadence de production ?

Jacques Boyé : « Nous avons les matières pour tenir le programme national lancé par le gouvernement. Nous sommes en train de travailler pour étendre ces acquisitions de matières premières au-delà du programme qui a été bouclé avec le ministère de la Santé. Nous passons des commandes. Nous allons livrer très rapidement un grand nombre de masques, dans les trois à cinq mois qui viennent. Il faudra continuer après, afin de reconstituer les stocks un peu partout ».

Faire revenir en France la production de masques

Actu Toulouse. Comment en est-on arrivé là ?

Jacques Boyé : « En période normale, le milieu de la santé devrait favoriser les entreprises qui produisent en France. Sinon, les usines ferment. Or, il est nécessaire d’assurer notre indépendance par rapport à l’importation. Lors de la crise de la grippe aviaire, puis de la grippe A (H1N1), l’Etat s’était rendu compte que les masques étaient principalement fabriqués en Chine et au Mexique, par les grands opérateurs mondiaux. Le gouvernement de l’époque avait estimé que cette situation était très dangereuse en cas d’épidémie mondiale. Les Chinois bloquant toute la production pour les besoins nationaux, c’est exactement ce qui s’est produit cette année. On ne trouvait plus un seul masque parce que les grands producteurs sont chinois. La règle mise en place par l’Etat français était la bonne, il fallait avoir une indépendance pour assurer la sécurité de nos approvisionnements. Ce sont ces outils créés à l’époque que nous avons réactivés et qui se remettent à tourner en France pour assurer les besoins de l’Etat ».

Actu Toulouse. La France a donc été confrontée à un problème de stock ?

Jacques Boyé : « Après ces deux crises sanitaires, il y a eu une inertie dans les plans de reconstitution de stocks. Après 2012, nous n’avons plus reçu aucune commande. Donc les outils de production se sont arrêtés. L’Etat a considéré que les stocks étaient à niveau. D’ailleurs, le pays vit aujourd’hui sur des stocks de masques livrés en 2015-2016. C’était les derniers masques que Paul Boyé Technologies a fabriqués pour constituer des stocks de sécurité. Il n’y a plus eu de commande après, ce n’était plus d’actualité. Si on ne maintient pas les stocks à niveau, la date de péremption sur ces produits font que les stocks ne valent plus rien ».

« Faisons attention à nos outils industriels ! »

Actu Toulouse. Comment ne pas reproduire les mêmes erreurs à l’avenir ?

Jacques Boyé : « Que les hôpitaux, les pharmaciens… tous ceux qui achètent des masques privilégient les masques français plutôt que les masques chinois ! Dans des produits stratégiques comme cela, la mondialisation a ses limites. Cela coûte très cher de monter en puissance des machines. J’embauche, j’agrandis mes bâtiments, j’achète de nouvelles machines, je remets en route des machines qui n’ont pas tourné pendant longtemps et qui demandent des investissements importants… Et peut-être que dans quatre mois, on me dira que l’Etat n’a plus besoin de nous. Faisons attention à nos outils industriels ! »


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